Suite du guide pratique

Publié le par Jocelyne Barbas, formatrice

Afin d’avoir des sources fiables, précises, il est conseillé de prendre des notes.
 
Préparez-vous matériellement : ayez avec vous de quoi écrire. Utilisez des outils souples et rapides comme un feutre.
 
Préparez-vous intellectuellement. Pour cela vous devez écouter, vous concentrer et sélectionner les informations importantes.
 
Renoncez à vouloir tout noter. C’est irréalisable et vous risquez de vous décourager. Un auditeur concentré ne peut retenir que 30 % de ce qu’il entend.
Ecrivez des mots, des dates, faites des flèches ne cherchez pas à faire des phrases. Il s’agit de garder des idées, des informations pas de composer un texte.
 
Etablissez votre propre méthode : abrégez les mots, faites des listes, des schémas, aérez vos notes, restez lisible pour vous-même.
 
Soyez exigent avec vous-même : tout ce qui ne sera pas écrit sera irrémédiablement perdu.
 
Chantier d’écriture 
L’écriture est un moyen de devenir conscient de soi, d’analyser son passé, son parcours, les influences que certaines personnes ont eu sur nous…
 
Textes supports, le portrait moral
 
Extraits : Pensées pour moi-même, Marc Aurèle
 
L’auteur passe en revue les apports de ses proches dans sa formation intellectuelle, ce qui leur doit dans la constitution de son caractère
I. - De mon grand-père Vérus : la bonté coutumière, le calme inaltérable.
II. - De la réputation et du souvenir que laissa mon père : la réserve et la force virile.
III. - De ma mère : la piété, la libéralité, l’habitude de s’abstenir non seulement de mal faire, mais de s’arrêter encore sur une pensée mauvaise. De plus la simplicité du régime de vie, et l’aversion pour le train d’existence que mènent les riches.

Proposition
 
A vous de marcher dans les pas de Marc Aurèle et de nommer vos héritages intellectuels.
 
 
Textes supports : autoportrait et portrait physique
 
Autoportrait
« Je viens d’avoir trente-quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J’ai des cheveux châtains coupés courts afin d’éviter qu’ils ondulent, par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont : une nuque très droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise, marque classique (si l’on en croit les astrologues) des personnes nées sous le signe du taureau, un front développé, plutôt bossué, aux veines temporales exagérément noueuses et saillantes. Cette ampleur de front est en rapport (selon le dire des astrologues) avec le signe du Bélier ; et en effet je suis né un 20 avril, donc au confins de ces deux signes : le Bélier et le Taureau. Mes yeux sont bruns, avec le bord des paupières habituellement enflammé ; mon teint est coloré ; j’ai honte d’une fâcheuse tendance aux rougeurs de peau luisante. Mes mains sont maigres, assez velues, avec des veines très dessinées ; mes deux majeurs, incurvés vers le bout, doivent dénoter quelque chose d’assez faible ou d’assez fuyant dans mon caractère. »
Michel Leiris, L’âge d’homme cité dans Jeux autobiographiques, Ecrire au fil de l’existence, Franck Evrard, Ed. Ellipses
 
Portrait Intemporel,
Extrait de La photographie et l’autobiographie, bibliothèque Gallimard
C’est le dernier portrait que mon père fit de moi, probablement pas très longtemps avant sa mort. Je le trouve extraordinaire.
C’est ma photo. Elle résume tout ce que je suis profondément, sans défense. Ces yeux là sont ceux que je vois dans mon miroir trente cinq ans après quand je suis seule avec moi-même, sans masque, sans effort pour paraître.
Ainsi parfois je vois mes enfants, dans de grands moments de fatigue ou d’abandon, je vois fugitivement qu’il faut vivre l’appareil photo armé en main pour capter cela ! – leur visage intemporel se superposer à leur figure d’enfant. Regard, expression rassemblant en une seconde ce qu’ils sont profondément et tous les âges de leur vie. Leur visage.
Et puis cela fuit, l’abandon se casse, ils régressent, ils rient, ils trichent, ils réintègrent le moment.
Mon père m’a saisie dans une de ces secondes où l’être est rassemblé. Il a fait mon portrait intemporel
Anny Duperey
 
Proposition

Réalisez votre propre portrait. Celui-pourra être réaliste et présenter vos qualités et vos défauts, ou encore idéalisé : portrait de celui que j’aimerai bien être, devenir.
 
 
Vous avez reçu comme proposition d’écriture de raconter une première expérience marquante de votre vie en vous inspirant d’un texte qui racontait une injustice d’enfant (laisser punir un copain innocent à sa place) extrait de Premières fois, le livre des instants qui ont changé nos vies Ed. Librio document.
 
Cette proposition de parler de vous, vous a semblé inhabituelle. Certains se sont crus dans la nécessité de raconter un des épisodes les plus dramatiques de leur vie, certains n’ont pas pu. Ceux qui ont réussi à écrire ont relativisé cette demande et opté pour un épisode « racontable ».
 
Il convient de sortir de cette position du « tout ou rien ». Vous avez le choix de dire ce que vous voulez. Cela suppose aussi d’accepter de communiquer. Ce n’est pas parce que ce récit est personnel qu’il ne regarde que vous : les expériences sont faites aussi pour être partagées.
 
Il s’agit juste d’une invitation à vous exprimer sur vous-même.
 
Pour être complète, intelligible et transmissible l’information doit pouvoir répondre à un ensemble de questions de base :
 
-         De quoi s’agit-il ? Quel est le sujet ?
-         Quel est son intérêt ?
-         Que s’est-il passé ?
-         Quand ?
-         Où ?
-         Avec qui ?
-         Comment
-         Avec quelles conséquences ?
-         Dans quel contexte ?
 
Ce questionnement sert de trame pour conduire une interview ou structurer ses notes, composer un texte.
 
Les propos rapportés doivent être objectifs pour être crédibles.
 
Est objectif ce qui est réel, observable, vérifiable, incontestable.
 
Est subjectif les écrits ou propos dans lesquels la personne laisse la primauté à ses états de conscience : sentiments (colère, confiance, peur…), doute, crainte, fantasme, imaginaire, supputation…
 
 
Textes supports
 
Afin d’illustrer ces différentes notions, quelques extraits de textes ont été soumis à votre analyse et commentés.
 
La poésie
 
« Dans le vieux buffet
Les faïences gardent l’odeur
Du temps qui s’ébrèche. »
Jean-Hugues Malineau
 
Le temps est une notion abstraite et il ne s’ébrèche pas comme une assiette. Il s’agit d’une image poétique donc subjective.
 
 
« La main dans l’eau vive
au loin un clocher roman
traversé par les nuages »
Jean-Hugues Malineau
 
Il s’agit ici d’une description évocatrice que l’on pourrait observer facilement. Si elle est crédible, l’auteur prête des sensations imaginaires à ce clocher qui ne peut pas être traversé dans son sens premier par les nuages, ceux-ci passent autour de l’église. C’est subjectif.
 
« Paysage de paradis
Nul ne sait que je rougis
Au contact d’un homme, la nuit ».
Paul Eluard
 
Ce rougissement apparaît possible… L’information rapportée n’est pas objective pour autant : la personne est seule à savoir qu’elle rougit. Il s’agit d’une confidence.
 
 
Les approximations
 
« Il paraît que les cailloux possèdent un pouvoir hypnotique qui leur permet de se déplacer : quand un caillou veut changer d’endroit, il attend que quelqu’un passe, il l’hypnotise, le passant le ramasse et l’emporte ailleurs. »
 
L’explication est charmante mais les cailloux ne vivent pas. Là encore, cette phrase est subjective.
 
 
La rumeur, le canular
 
« Il paraît que dans certaines tribus d’esquimaux, au pôle Nord, parfois les hommes se réunissent, choissent l’un d’entre eux et tous ensemble le jettent en l’air le plus haut possible pour qu’il voie très loin et raconte. »
 
La crédulité ne favorise pas l’objectivité. Les informations rapportées doivent être vérifiées.
 
 
L’écriture froide
 
Extrait Pour les adjectifs vous viendrez me voir, Hédi Kaddour. Ed CFPJ
« Une inspectrice me conduit dans une pièce où une autre femme est déjà présente. Elle passe des gants de gynécologie. « Déshabillez-vous. Entièrement. » Je dois m’exécuter. Mes chaussettes sont examinées, mon soutien-gorge, mes chaussures, mon pull… Je dois me placer dos à elle, appuyée sur une table, les jambes écartées. Elle regarde avec les gants si je n’ai rien en moi. J’ai froid, je demande à me rhabiller. Elle prend une chaussette qu’elle palpe longuement. Elle me la jette à la figure. Elle prend son temps, me jette l’autre de la même façon. Le reste de mes vêtements, un à un, je les reçois également à la figure. J’ai un calmant dans mon sac. Je demande à le prendre. Refus.
Trois nouveaux policiers viennent me chercher. On m’attache des menottes dans le dos, une fourgonnette me conduit aux urgences de l’Hôtel-Dieu. Un médecin me prescrit un calmant. Retour au commissariat, reprise de la garde à vue.
Un inspecteur me fait savoir que si je signe ma déposition, je sors dans une heure. Je signe sans savoir. Pour sortir.
17 heures. Je suis remise en liberté. (conclusion d’un récit de Emmanuel Cuau, Le Monde, 6 novembre 1993.)
 
La rédactrice de ces lignes s’était retrouvée en garde à vue au commissariat du IVe arrondissement. Elle avait, cinq heures plus tôt, emprunté à vélo un sens interdit sur 13 mètres, dans son quartier…
 
Bien que la situation rapportée soit révoltante, le texte est particulièrement objectif : des faits, rien que des faits. Cette forme d’écriture est appelée « froide » car aucun sentiment ne filtre à travers ce récit. Ce qui renforce son impact émotionnel. La rédactrice taît son ressenti pour que le lecteur remplisse avec ses propres sentiments ce vide laissé par ce non-dit.
 
Ecrire ce n’est pas tout écrire. Les silences sont eux aussi porteurs de sens. Faire ressentir, ce n’est pas inonder son interlocuteur d’informations mais créer chez lui des émotions.
 
 
Les idées sont volatiles, les émotions s’atténuent et s’oublient avec le temps. Se souvenir s’effectue en plusieurs étapes, un souvenir en entraînant avec lui un autre jusqu’à reconstituer un épisode de sa vie.
 
L’une des premières étapes dans cette reconstitution de son passé est de rechercher des souvenirs qui appartiennent plus à une époque qu’à nous-même : slogans publicitaires, concerts, mots d’hommes politiques, une découverte clé, des performances sportives…
 
S’appuyant sur la vie de tous les jours, ces souvenirs ordinaires appartiennent néanmoins à l’histoire de chacun.
 
 
Textes supports : Je me souviens de Georges Perec
 
« 17
Je me souviens des oignons et de la petite fleur de Sidney Bechet, des disques 45 tours gagnés chez Antar avec les pleins de mobylette. 
 
 
18
« Je me souviens qu’au « Monopoly », l’avenue de Breteuil est verte, l’avenue Henri-Martin rouge, et l’avenue Mozart orange. 
 
25
Je me souviens de Nounours, Pimprenelle et Nicolas, du Marchand de Sable et de leur « Bonne nuit les petits ».
 
30
Je me souviens des heures passées avec ma soeur à faire tourner un globe terrestre, les yeux fermés, le doigt pointé dessus, et de ne les rouvrir que lorsque celui-ci s'était arrêté, nous imaginions alors des voyages et des rencontres.
 
35
Je me souviens des blagues avec un héros qui s'appelle Toto, qui objectivement ne sont pas drôles, mais qui nous faisaient bien rire.
 
39
Je me souviens de cette classe de CM où j'ai passé une année scolaire, de l'odeur des livres ou de la cire qui marque les vacances, ou bien « d'entendre » ce silence qui angoisse.
 
211
Je me souviens que Johnny Hallyday est passé en vedette américaine à Bonin avant Raymond Devos (je crois même avoir dit quelque chose du genre de : « si ce type fait carrière, je veux bien être pendu… »
 
 
Proposition
 
A vous d’écrire quelques souvenirs à la façon de Georges Perec. 

 Conseils généraux

Ecrivez régulièrement non sous la contrainte mais en vous saisissant de votre liberté d’expression, à tout moment de la journée. Conservez- avec vous un carnet et notez y tout ce que vous pouvez.
 
Même si cela vous semble inhabituel au début, dites-vous bien que votre stylo est un outil puissant qui vous aide à être conscient, « présent au moment présent », actif, et disponible à ce qui se passe autour de vous.
 
Consacrez-y les efforts et le temps nécessaires : les résultats n’en seront que meilleurs. Soyez fier de ce que vous entreprenez.
 
Osez : vous aurez tout le loisir de vous relire, d’approfondir vos idées de les enrichir, de les clarifier de bien des manières. Toutes les idées, toutes émotions, toutes sensations qui ne seront pas capturées par l’écrit seront irrémédiablement perdues.
 
Ne vous souciez par de l’orthographe dans un premier temps mais veillez cependant à ce que vous puissiez vous relire. Ne surchargez pas les pages d’écriture, laisser des marges, même des pages blanches pour compléter vos propos.
 
 
Proposition
Vous pouvez organiser votre page d’écriture en plusieurs rubriques ou zone d’écriture. Cette présentation vous aidera à écrire.
- Moment de l’écriture (lieu, date, heure, humeur et état d’esprit…)
- Ce qui m’a le plus étonné
- Ce que j’ai appris
- Les questions que je me pose
- Ce qui est changé en moi
- A quoi cela me fait penser ?
- La sensation, l’émotion que j’aimerai garder particulièrement de la journée qui vient de s’écouler
- Dessinez lorsque les mots manquent ou vous semblent faibles, collez des images, effectuez des découpages, etc.

Publié dans Devoir de Mémoire

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